Il y aurait tant et tant de motifs de désespérer de nous-même, des autres, de notre capacité collective à construire un monde d’amour de justice et de paix ! Nous ne ferons pas ici la liste de tous les lieux où se propagent haine, mort, indifférence à la misère d’un frère, dégradation du vivant. Chacun a cela a l’esprit.

Mais il est une nuit, chaque année, au cours de laquelle nous nous autorisons à croire que ces logiques de ténèbres n’auront pas le dernier mot. Alors que nous étions abattus, tétanisés, paralysés, souvent incapables d’imaginer qu’un avenir meilleur soit possible, un enfant vient, au milieu de la nuit, et nous ouvre à nouveau à l’espérance. « L’Espérance est une petite fille de rien du tout. Qui est venu au monde le jour de Noël… » nous dira Charles Péguy.

Un autre poète, Christian Bobin, expliquera quant à lui « À Noël je vois venir un nouveau-né…Il va m’apprendre que d’un côté il y a les stratégies, les calculs, la force, la puissance l’argent… Et que de l’autre il y a l’attention à l’autre, l’oubli de soi, le don, l’ouverture, la bonté. »

Est-ce folie de croire que cela soit possible ? Mais sans cette folle utopie la vie vaudrait elle encore la peine qu’on s’y attache !? L’espérance retrouvée est comme une renaissance. Nous retrouvons le regard de l’enfant qui voit s’ouvrir tous les possibles devant lui, et qui n’est pas encore marqué par les cicatrices de l’épreuve. L’enfant que nous redevenons accepte de se lancer dans des chantiers qui, a vue humaine (ou au regard du vieil homme), sont impossibles.
Si notre espérance est active, engagée, forte de ce don d’amour et de vie qui nous dépasse, nous pouvons penser qu’il soit possible de de ne plus placer les logiques économiques au sommet de notre édifice civilisationnel, mais bien plutôt l’attention aux autres. Qu’il soit question de donner la priorité aux êtres les plus fragiles dans les commencements de la vie, dans la grande détresse poussant à l’éloignement de sa terre d’origine, ou bien encore les derniers souffles d’une vie qui s’éteint. Est-ce irréalisable ?

« Pour les hommes, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. »
(Mt 19, 26)

Les chrétiens croient que cet enfant qui vient est justement Dieu lui-même venant à la rencontre de l’homme, pour réouvrir, avec lui, les chemins devenus inaccessibles. Cette image peut être parlante pour les habitués aux difficiles voies d’accès de certains de nos sommets…

Nous nous associons au Pape François qui nous dit « j’imagine trois chantiers d’espérance où nous pourrions travailler uni : l’environnement, l’avenir, la fraternité. ». 
Avançons ensemble sur ces chantiers d’une espérance retrouvée, remis en marche, comme les bergers et les mages, par cet enfant, si discret et pourtant si puissant.
 

+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Grenoble-Vienne